L’inadéquation entre la formation initiale et les besoins de main-d’oeuvre
29 . 03 . 2018
L’inadéquation
entre la formation initiale
et les besoins de main-d’oeuvre
sources :
- Diagnostic sectoriel de l’industrie des communications graphiques du Québec 2017, CSMOCGQ
- La relance, Enquête de 2016, MÉES
L’un des points névralgiques dans le processus d’embauche d’une entreprise est la recherche d’un personnel correctement formé ou, à défaut, l’existence d’une offre de formation permettant de palier au manquement initial.
1. Offres de formations initiales : où en est-on ?
Afin de former la main-d’œuvre de demain, le secteur des communications graphiques peut compter sur des programmes de formation de niveau professionnel, collégial et universitaire. De plus, l’organisme Imprime-emploi offre une formation qui permet d’obtenir un certificat d’aide-général en finition-reliure en imprimerie. Par ailleurs, une offre de formation continue est assurée par l’Institut des communications graphiques, parfois en collaboration avec le CSMOCGQ. Enfin, différents programmes d’apprentissage en milieu de travail (PAMT) complètent l’offre de formation disponible pour les travailleurs du secteur.
Programmes de formation professionnelle (DEP)
- DEP Infographie (#5344) : Saguenay, Québec, Mauricie, Estrie, Montréal, Outaouais, Chaudière-Appalaches, Laval, Laurentides, Montérégie,
- DEP Computer Graphics (#5844) : Montréal
- DEP Imprimerie (#5313) : Mauricie, Montréal.
Programmes de formation technique
(DEC)
- DEC Infographie et prémédia (#581.D0) : Montréal,
- DEC Graphisme (#570.G0) : Bas-Saint-Laurent, Québec, Estrie, Montréal,
- DEC Graphic Design (#570.G0) : Montréal,
- DEC Gestion de projets en communications graphiques (#581.C0) : Montréal, Chaudière-Appalaches,
- DEC Techniques de l’impression (#581.B0) : Montréal.
(AEC)
- AEC Infographie appliquée à l’imprimerie (#NWC.0N) : Montréal,
- AEC Technique en graphisme (#NTA.1H) : Mauricie,
- AEC Design graphique (#NTA.1C) : Montréal,
- AEC Design graphique (#NTA.0F) : Montréal,
- AEC Graphisme (#NTA.0R) : Montréal,
- AEC Design de communication publicitaire (#NWY.13) : Montréal,
- AEC Illustration publicitaire (#NTA.0S) : Montréal,
- AEC Chargé de projet et estimateur en travaux d’imprimerie (#NWC.0T) : Montréal,
- AEC Impression Offset (#NWC.0R) : Montréal.
Programme de formation universitaire
- BAC Arts et design graphique (#7917) : Outaouais,
- BAC Design graphique (#15971) : Québec, Montréal,
- BAC Design graphique (#7779) : Montréal.
Autres formations dans le domaine
D’autres programmes de formation complémentaires sont offerts à l’Institut des communications graphiques. Un certificat d’aide-général en finition-reliure en imprimerie est également proposé chez Imprime-Emploi.
2. Quel avenir pour nos diplômés ?
Programmes de formation professionnelle (DEP)
Autant les nouvelles inscriptions que le nombre de diplômés pour le DEP en imprimerie connaissent une baisse significative depuis plusieurs années. En effet, le nombre de nouvelles inscriptions a chuté de 27% entre 2011 et 2015 et le nombre de diplômés a chuté de 51 % sur la même période. Pendant ce temps, le programme d’infographie se portait plutôt bien, avec une hausse de 15% des nouvelles inscriptions et de 17% du nombre de diplômés.
Programmes de formation technique (DEC et AEC)
Comme c’est le cas pour le DEP, les nouvelles inscriptions ainsi que le nombre de diplômés pour le DEC en imprimerie connaissent une baisse significative depuis plusieurs années. Le programme d’infographie en prémédia connaît lui aussi son lot de difficultés, avec une baisse de 43 % des nouvelles inscriptions entre 2011 et 2015 ainsi qu’une baisse du nombre de diplômés. Les nouvelles inscriptions en gestion de projet ont, quant à elles, suivi une tendance à la hausse au cours de la même période. Le programme semble toutefois souffrir d’un taux d’abandon élevé.
Programme de formation universitaire
En ce qui concerne le baccalauréat en arts graphiques (design graphique), on observe une tendance à la hausse depuis 2010. En effet, au cours de la période, le nombre de diplômés est passé de 261 à 346, soit une augmentation de 33%.
Que deviennent les jeunes diplômés de la relève un an après leur sortie ?
En cumulant les DEP et les DEC, on observe que les formations de prémédia (graphiste, infographiste…) produisent autour de 600 diplômés (près de 700 en y ajoutant les AEC). De son côté, le marché du travail, a un besoin annuel de, à peu près, 350 postes. Ce qui veut dire que l’on produit deux fois plus de diplômés que les besoins en main-d’oeuvre pour ces formations.
De la même manière, les DEP et DEC de production (impression et finition) produisent environ 50 diplômés par an, alors que les besoins du marchés se chiffrent à partir de 450 postes chaque année. On peut faire le même constat, à une échelle moindre, concernant les chargés de projet (représentant des ventes, gestionnaire de projet, estimateurs…) avec 10 à 20 diplômés dans les meilleures années pour un besoin se situant autour des 50 postes par an.
Pour l’ensemble du Québec, moins de 70% de la cohorte de 2016 en DEC de graphisme ont trouvé un emploi en rapport avec leur formation et 8% étaient au chômage dans l’année qui a suivi. Les chiffres sont plus alarmant concernant les diplômés de type AEC avec moins de 65% qui travaillent dans leur domaine de formation et plus de 15% en chômage au cours de la première année.
Concernant les diplômés en infographie (cohorte 2016 sur l’ensemble de la province), un peu plus de 70% des DEC travaillent dans leur domaine – ce chiffre est donc comparable aux graphistes. Cependant, le taux de chômage sur la première année est de 0%. Les chiffres en AEC sont bien plus alarmant avec un placement d’à peine 40% et un taux de chômage autour de 5%.
À l’inverse de la tendance dépeinte ci-dessus, les diplômés en gestions de projet ont un taux de chômage de 0%, dans le même délai, et presque 90% d’entre eux trouvent un poste dans leur domaine dès la première année.
Les chiffres pour les métiers de pressiers et d’opérateurs en finitions n’étaient pas accessibles par manque de diplômés, mais il suffit de se fier aux besoins du secteur pour déduire d’un confortable taux de placement et du faible, voir nul, taux de chômage qui en résulterait.
Enfin concernant les diplômes universitaires, les principaux débouchés sont les postes de designer graphique, chargé de projets, concepteur de sites Web et directeur artistique. Au moment d’écrire ces lignes, les taux de placement et de chômage de ces métiers n’étaient pas accessibles. On ne peut donc que se perdre en conjectures en observant ceux des DEC et AEC de graphisme qui correspondent au même domaine de travail.
À noter que seuls près des deux tiers (65%) des travailleurs arrivent en entreprise avec une formation liée au secteur. Le reste (soit un tiers) arrive pour travailler dans le secteur des communications graphiques sans aucun diplôme en rapport. Globalement, il y a donc encore de gros besoins de main-d’oeuvre qualifiée.
3. Les besoins de main-d’oeuvre, que sont-ils ?
Au total, on estime entre 4000 et 5 000 le nombre d’embauches prévues à l’échelle du secteur au cours des trois prochaines années, soit environ 1 500 par année.
Selon la dernière étude d’Emploi-Québec, une minorité des embauches prévues est liée à des départs à la retraite. En effet, la plupart des ces embauches sont plutôt liées à des créations de postes, des départs vers une autre entreprise du secteur, et, dans une moindre mesure, des départs pour des postes à l’extérieur du secteur.
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Selon Emploi-Québec, concernant le sous-secteur Impression et activités connexes, il existe 5 professions dites « en demande » :
- Coordonnateurs de production,
- Opérateurs de machines à relier et de finition,
- Opérateurs de presses à imprimer,
- Représentants des ventes,
- Techniciens en graphisme/infographistes.
Près de la moitié (46 %) des entreprises qui prévoient de l’embauche au cours des trois prochaines années s’attendent à connaître des difficultés pour au moins un des postes visés par de l’embauche. Pour la plupart des postes, les difficultés s’expliquent par l’absence de main-d’œuvre qualifiée. En effet, le nombre de finissants dans les différents programmes liés au secteur est souvent largement insuffisant pour combler la demande.
Les difficultés pour pourvoir les postes varient sensiblement selon le poste. Par exemple, la plupart des employeurs n’entrevoient pas de difficultés à pourvoir les postes de graphistes et d’infographistes, alors que la grande majorité d’entre eux prévoit des difficultés pour les postes d’opérateurs de presse et de procédés de finition. Notons que les opérateurs de presses à imprimer (21%) et les opérateurs de machines à relier et de finitions (10%) représentent à eux seuls près du tiers (31%) des personnes en emploi dans le secteur. Le manque de candidats qualifiés est certainement la principale raison qui explique les difficultés. En effet, comme vu plus haut, alors que les établissements d’enseignement du Québec forment à peine quelques dizaines de pressiers par année, les besoins des entreprises se chiffrent par centaines.
4. L’offre de formation initiale correspond-elle à la demande sur le marché du travail ?
Force est de constater que, selon le type de diplôme, l’adéquation formation-emploi n’est pas toujours au rendez-vous. À l’heure actuelle, malgré une belle demande, on produit plus de diplômé en prémédia (graphistes, infographistes) que nécessaire, alors que, à l’inverse, on n’arrive pas à fournir assez de diplômés pour la plupart des autres postes du secteur des communications graphiques. Il y a un déséquilibre flagrant concernant les postes de production (impression et finition) et de chargé de projet. Dans le cas des postes de production, le manque à gagner est tellement grand que les employeurs du secteur doivent se tourner massivement vers le recrutement de travailleurs non qualifiés et la formation continue afin de combler leurs besoins. Cela nécessite donc que ces employés non préparés à occuper leur poste reçoivent une formation spécifique dès leur arrivée en entreprise.
Si la formation continue peut être vue comme un bon palliatif à court et moyen terme, il serait judicieux de mieux promouvoir les formations initiales existantes afin de pouvoir proposer dès le départ une main-d’oeuvre suffisamment qualifiée. Certaines formations – graphisme et infographie, victimes de leur succès, n’offrent, qu’en à elles, pas les mêmes débouchées que celles d’activités de production. Il y a donc, actuellement, un manque de corrélation entre l’offre de formation initiale et la demande sur le marché du travail, alors que le secteur dans son ensemble est en grande demande de travailleurs qualifiés.
Dans ce contexte, il est important pour les entreprises, de bien cibler leur besoins de formation et travailler de concert avec le comité sectoriel afin de réinventer l’offre et de la mettre à jour pour qu’elle réponde de nouveau à la demande.
Dimitri Lesage, chargé de projet délégué à la veille sectorielle
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